L’une des conséquences de la pandémie aura été de mettre en lumière la crue réalité de notre absence de souveraineté numérique. Cet enjeu de souveraineté est indissociable du redémarrage de l’économie qui, afin d’éviter une seconde catastrophe pour nombre de nos concitoyens, doit s’accompagner de la mise à la disposition des entreprises et organisations, d’environnements numériques adaptés, souverains et résilients.
Pour autant, financer la création de logiciels « souverains » à l’usage anecdotique n’a aucun sens. Le développement d’un écosystème complet, incluant système d’exploitation et logiciels applicatifs, se chiffre en milliards d’euros, sans parler des coûts de maintenance. Aucune puissance publique n’est en mesure de financer une telle dépense, et aucun éditeur privé n’adaptera ses logiciels à un si faible marché. Du fait des effets de réseau qui favorisent l’acteur dominant, aucun concurrent ne peut espérer s’opposer aux « Big Tech »… à part les logiciels libres, grâce à la puissance cumulés de leurs écosystèmes.
Axer les stratégies publiques sur les écosystèmes libres
Trop souvent, les services de l’État ne perçoivent les logiciels libres que comme un argument de négociation commerciale avec les « Big Tech », sans remettre aucunement en question leur dépendance à ces derniers.
Au niveau national, il faudrait que l’État joue pleinement son rôle de stratège et d’accélérateur vis-à-vis des communautés et écosystèmes de PME à même de lui fournir les services qu’il attend. Ainsi l’argent public irait-il alimenter le tissu économique national et le maintien en France des compétences techniques formées avec l’argent des contribuables.
Qui plus est, la stratégie de souveraineté et de résilience économique s’appuyant sur les logiciels libres est « multi-échelles », selon l’adage du « penser global, agir local ». Elle peut donc être mise en œuvre à tout niveau, sans attendre de décision venue d’« en haut ».
Une expérimentation déjà conduite au niveau régional
En Nouvelle Aquitaine, cette démarche a déjà été impulsée, autour de deux axes :
Le premier vise au déploiement de systèmes d’information locaux (S.I.L.), composés de logiciels et services loyaux hébergés de façon loyale. Ces démonstrateurs pourront être facilement répliqués par les entreprises et regroupements d’entreprises souhaitant monter en compétences, dans un but de mutualisation des infrastructures numériques, afin de lutter contre la pollution numérique.
Ces boîtes à outils comprendront notamment des solutions loyales de visioconférence, permettant le travail et la formation à distance, en synergie avec la feuille de route régionale Neo-Terra pour la transition énergétique et écologique. S’y trouveront également des solutions numériques locales ouvertes pour différents métiers, conçues afin de valoriser les circuits courts.
Le deuxième vise à la structuration et au développement en région du secteur des fab-labs, des lieux d’accueil de « makers » et de la filière de l’impression 3D ouverte, afin de prototyper plus rapidement des solutions pouvant constituer des biens communs pour la population régionale et mondiale.
Alors que l’humanité fait actuellement face à de nombreux défis économiques, climatiques, alimentaires et sociaux, les modèles libres, basés sur la « coopétition » et la mise en commun des savoirs, sont l’une des clés pour relever ces défis dans un court délai.
Retrouvez la Tribune de François Pellegrini et David Joulin sur le journal « La Tribune » : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/construire-la-resilience-economique-et-la-souverainete-numerique-grace-aux-ecosystemes-libres-855436.html